INTRODUCTION, PRÉFACES et POSTFACE
du
Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française
par Paul ROBERT
Préface du 4e volume
Six ans se sont écoulés depuis la publication du premier volume de ce Dictionnaire, six ans au cours desquels j'ai éprouvé d'angoissantes difficultés, mais aussi la joie de les surmonter finalement.
Il n'est pas temps de retracer l'histoire d'une entreprise que j'aurais jugée aventureuse et même irréalisable, il y a quinze ans, si une foi aveuglante ne m'avait dissimulé les terribles obstacles qui devaient, inévitablement, se jeter à la traverse. Je souhaite écrire un jour une sorte de biographie de mon Dictionnaire mais je ne saurais différer jusque-là l'expression d'une gratitude immense à l'égard de ceux qui m'ont soutenu tout au long de mon effort.
Dirai-je jamais assez ce que je dois aux amis de la première heure qui fondèrent avec moi la Société du Nouveau Littré, aux hommes de lettres qui m'aidèrent de tout leur cœur et de tout leur prestige ? Telle lettre affectueuse de Georges Duhamel, tel article fraternel de Daniel-Rops, telle intervention généreuse de Jules Romains a ravivé mes forces à l'instant où je me sentais guetté par le découragement.
Jour après jour, les encouragements de souscripteurs chaleureux m'ont assuré que l'œuvre était utile et qu'il fallait, coûte que coûte, la mener jusqu'à son terme. Que d'obligations n'ai-je pas envers ces milliers d'amis connus et inconnus qui m'ont fourni les moyens de la poursuivre ! J'éprouve une grande confusion en songeant à ceux qui, depuis plusieurs années, attendent l'achèvement du Dictionnaire. Mon impatience égale la leur, mais je suis responsable des longs délais de publication, quels qu'aient été mes efforts pour les abréger dans une lutte quotidienne contre les circonstances adverses.
Pourquoi n'avouerais-je pas aussi, comme Littré osa le faire, que mes prévisions furent dépassées et que le constant souci d'améliorer mon œuvre a entraîné un allongement des délais ?
Les Français aiment trop leur langue, symbole de grandeur et d'union, pour ne pas comprendre qu'en ce domaine plus qu'en tout autre la précipitation entraîne fatalement des erreurs et des omissions. Il est, certes, toujours loisible de les corriger dans un supplément, puis dans des éditions successives, mais il vaut mieux s'efforcer de les éviter dès l'abord.
Au travail solitaire des débuts s'est substitué, depuis sept ans, un travail d'équipe. Notre ami André Billy a parlé du « phalanstère de jeunes linguistes » que je dirigeais à Casablanca. Le transfert de ma Rédaction à Paris en a modifié la composition, quelques-uns de mes anciens collaborateurs restant au Maroc tandis que les autres me suivaient. Parmi ces derniers je dois mentionner, outre mon fidèle compagnon Georges Chetcuti, M. Alain Rey, qui fut le premier de mes rédacteurs et qui, après sept années de travail en commun, est devenu mon associé au Conseil d'Administration de la S. N. L., en même temps qu'à la Rédaction où il remplit les fonctions de Secrétaire général. Auprès de lui travaillent dans une atmosphère d'amicale entente des collaborateurs permanents aidés d'un petit groupe d'auxiliaires.
Plusieurs réviseurs m'apportent le concours de leur science, de leur expérience et de leur enthousiasme. L'amitié autant que la gratitude me font un devoir de rendre tout particulièrement hommage à M. Henri Cottez, agrégé des lettres, ancien élève de l'École Normale Supérieure, et à M. Robert Le Bidois, docteur ès lettres. Le premier a collaboré à la rédaction de nombreux articles à partir de la lettre E. La précieuse contribution du second, grammairien éminent, s'exerce plus particulièrement dans le domaine de sa spécialité, depuis le début du tome III.
Le transfert du siège de la Société du Nouveau Littré à Paris devait coïncider avec l'expiration d'un contrat qui la liait aux Presses Universitaires de France pour la distribution du Dictionnaire en librairie. Leur président-directeur général, M. Paul Angoulvent, et leur directeur commercial, M. Roger Basselier, restent pour moi de grands amis que je veux assurer de ma gratitude. Ils ont aidé aux premiers pas, et pour ainsi dire, présidé à la majorité de la Société du Nouveau Littré.
La diffusion du Dictionnaire est désormais confiée entièrement à la S. A. F. O. R. qui est gérée par un ami fraternel, M. Marcel Tordjman. Je souhaite à tout homme de lettres, conduit, par la force des choses, au rôle de chef d'entreprise, de rencontrer un associé semblable ! Auprès de moi et de Georges Chetcuti, il a vécu des heures anxieuses, ne ménageant ni son temps ni sa peine pour résoudre nos problèmes et triompher de nos soucis. Il partage avec moi la joie de compter un ami en chacun de nos collaborateurs, ceux de la S. N. L. et ceux de la S. A. F. O. R.
Octobre 1959.